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01/06/2008

Mai 2008 n'a pas eu lieu

Mai 2008 n'a pas eu lieu même si les étudiants ont lancé un mouvement.
Mai 2008 n'a pas eu lieu parce qu'ils n'ont pas été rejoint...
Mai 2008 n'a pas eu lieu parce que chacun descend dans la rue, manifeste et conteste pour sa chapelle, ses intérêts catégoriels...
Mai 2008 n'a pas eu lieu parce que les grandes causes n'ont pas su se relier les unes aux autres pour devenir une seule et même cause : défendre un autre modèle de société face à celui qui nous est imposé comme une fatalité.
Mai 2008 n'a pas eu lieu mais il n'est pas trop tard pour se rassembler, étudiants, enseignants, retraités, salariés, artisans, chômeurs et sans-papier.
Mai 2008 n'a pas eu lieu mais il reste juin, juillet, août, septembre ...
Mai 2008 n'a pas eu lieu mais il n'est pas trop tard !

Un article dans le poivron

Le Poivron, canard local de Montreuil livrait son dernier numéro... et j'ai eu l'honneur d'y publier un article intitulé "Jean-Jacques Rousseau au pays des Montreuillois"...

Si Jean-Jacques Rousseau traversait le temps pour y découvrir aujourd’hui la ville de Montreuil, il pourrait écrire comme il le fit jadis à propos de la Corse : « la situation avantageuse Montreuil et l’heureux naturel de ses habitants, semblent leur offrir un espoir raisonnable de pouvoir devenir un peuple florissant … » . Nul doute en effet que ce penseur de la démocratie verrait en Montreuil un territoire propice à l’épanouissement de son utopie. Alors, puisque le Poivron livre son ultime numéro et que l’on peut (presque) tout se permettre, faisons comme si…

« Après les élections municipales de l’an 2008, le renouveau démocratique à Montreuil est l’ambition la plus belle que la nouvelle équipe municipale puisse poursuivre ! À vrai dire, les pistes pour amorcer un tel renouveau sont nombreuses : établissement d’une presse municipale indépendante et pluraliste, réanimation des Conseil de quartiers, invention de nouvelles structures de participation citoyenne… Pourtant, avant d’ouvrir ce grand chantier, il apparaît opportun de s’interroger sur les conditions de la vitalité démocratique de votre ville.
Mon idéal démocratique prend appui sur l’idée que chaque citoyen(ne) est la partie d’un « tout » (le « corps social ») qui pourrait manifester sa volonté et l’imposer comme « loi ». Cet idéal présuppose que ce corps social prenne forme car si chacune des parties demeure isolée, il ne peut y avoir de « tout ». Les arts et la fête constituent alors des leviers incontournables de cet idéal démocratique. D’où vient en effet la prise de conscience citoyenne d’appartenance à ce « tout » ? D’où viennent l’envie et la volonté de se réunir ici et là pour faire avancer nos causes communes, si ce n’est d’une première rencontre, d’une première danse, d’un premier sourire ?
À l’évidence, les arts jouent ce rôle si l’on en croit Tolstoï : « L’art n’est pas un plaisir, il est un moyen d’union parmi les hommes » . Mais où est l’art ? À Montreuil, il est un peu partout : dans les rues au moment des vides greniers ou des fêtes de quartier, dans les cafés aussi qui acceuillent concerts, expo, débats etc. Il se donne à voir, à toucher, à entendre, dans les espaces ouverts et dans un esprit de gratuité, aux quatres coins de la ville. En réalité, l’expression artistique à Montreuil se retrouve partout où les gens se rencontrent et font la fête.
Cette réalité rejoint la conception antique de l’art qui n’a pas vocation à être enfermé au théatre ou dans les musées, mais qui doit exister à ciel ouvert, sur la place publique. Cette conception de l’art ne dissocie pas les artistes et le public, mais se veut au contraire un tout, une rencontre entre ces deux mondes, une performance globale… un « happening », diriez-vous aujourd’hui. C’est peut-être la raison pour laquelle tant d’artistes s’installent dans votre ville. La tentation de paraphraser l’historien Marrou est trop forte : « Si de toute part affluaient à Montreuil créateurs et virtuoses, c’est qu’ils étaient assurés d’y trouver un public digne d’eux et des occasions de s’y faire connaître » .
De cette rencontre entre les artistes et le public peut alors naître l’évènement… et la manifestation artistique devient fête ! Dans mes Rêveries d’un promeneur solitaire, j’écrivais : « Est-il une jouissance plus douce que de voir un peuple entier se livrer à la joie un jour de fête et tous les cœurs s’épanouir aux rayons suprêmes du plaisir qui passent rapidement mais sûrement à travers les nuages de la vie ? » . Cette conception de la fête est bien loin du sens commun qu’on lui attribu généralement à l’époque contemporaine. Ce n’est pas une fête entre soi et soi, mais un cadre destiné à rendre possible la rencontre avec l’autre, l’alter, le différent : « … souvent dans les transports d’une innocente joie, les inconnus s’accostent, s’embrassent et s’invitent à jouir de concert des plaisirs du jour » . C’est ce cadre qui réunit sur la place publique les enfants de toutes les générations. Dans un tel cadre, la conscience commune peut alors progresser et chacun est en mesure de réaliser que nous n’avons de meilleure perspective que celle qui consiste à jouir ensemble de cette vie. Voilà ce que je nomme « démocratie ».
Dans ma lettre à d’Alembert, j’énumère les ingrédients pour que vivent de telles fêtes : « Plantez au milieu d’une place un piquet courronné de fleurs, rassemblez-y le peuple, et vous aurez une fête » . C’est ainsi que le voyageur que je suis, vous recommande humblement ce qui suit : avant d’ouvrir le chantier du renouveau démocratique à Montreuil, commencez par créer un espace à ciel ouvert, une place des fêtes, qui accueillerait tout ce que votre ville compte d’artistes, qu’ils soient acteurs ou spectateurs… »


J.-J.R